2022
Tout au long de son histoire, le Salon Réalités Nouvelles a été, pour de jeunes artistes, le lieu des premières confrontations avec le milieu de l’art.
Depuis 2008, le comité des Réalités Nouvelles invite, avec le soutien de l’ADAGP et de la Copie privée, une sélection de jeunes artistes récemment diplômé∙e∙s et/ou encore en école d’art ou en université.
Cette 76e édition est à nouveau l’occasion d’inviter de jeunes artistes récemment diplômé∙e∙s, principalement des Beaux-Arts de Paris, à proposer leurs recherches dans l’espace du Salon. Dans le même temps, une exposition collective leur est également proposée dans l’espace de la Galerie Abstract Project, du 20 au 23 et du 26 au 29 octobre 2022.
Caroline BOUCHER
Née en 1973.
Diplômée avec mention de l’École supérieure d’art et de design TALM-Tours, DNSEP Art, en 2021.
Caroline BOUCHER, La maison invisible, 2021, estampes, 224 x 456 cm © Caroline Boucher
Si je devais donner un nom à l'ensemble de mon travail ce serait celui de « Chronotope », cette inséparabilité des dimensions spatiales et temporelles dans les œuvres littéraires, la matrice où les principales séquences d'une œuvre se croisent, où les évènements, les dialogues et les rencontres ont lieu. Je prélève des formes issues du quotidien, de la maison.
C'est la chronique de l’ordinaire, le récit d’un quotidien domestique que je tente de conserver, d’enregistrer, de retenir. Il est question dans mon travail de matrice, de multiples, de fragments, d’empreinte. Je matérialise le vide, l’absence, ce vide qui est aussi celui de l'architecte : « Une construction n’est pas la somme des largeurs, des longueurs et des hauteurs de ses divers éléments : elle est l’ensemble des mesures du vide, de l’espace interne dans lequel les hommes marchent et vivent. » – Bruno Zevi,
Apprendre à voir l'architecture, Les Éditions de Minuit, 1959.
Entre effacement et apparition, mon travail poétique se déploie en résonance avec l’espace, et les œuvres veulent affirmer ce rapport d'inhérence : celui que nous avons avec l'architecture, celui de l'architecture avec l’environnement.
Instagram : @carolineboucherart
Solenne FABRE
Née en 1995.
Diplômée des Beaux-Arts de Paris, DNSAP, atelier Tim Eitel, en 2019.
Solenne FABRE, La formation, 2021, huile sur toile de lin, 200 x 250 cm © Photo : Romain Darnaud
Pour initier la peinture, je reconnais à la fois une forme de nécessité et un élément de départ qui fera office de déclencheur. Il peut s’agir des couleurs restantes de la palette d’une toile précédente, de gestes assez libres et aléatoires ou bien d’une idée qui se rattache à l’observation d’un élément réel. Les gestes sur la surface de la toile et dans la matière à l’huile forment des zones de réserves diluées et des parties beaucoup plus denses et épaisses. Des terres, ocres, verts, blancs, bruns, écorces ou marbrures se mêlent aux éclats de couleur vive. Une succession d’effacements, étonnements, repentirs et tâtonnements forme les strates de la toile entre l’inerte et le vivant. J’efface, je recouvre, je conserve des éléments, j’enlève d’autres parties avant d’aboutir à une toile. Une fois achevée, la peinture est le résultat d’une succession de décisions qui étayent une direction.
Instagram : @solenne_fabre
www.solennefabre.com
Yanis KHANNOUSSI
Né en 1996.
Diplômé des Beaux-Arts de Paris, avec l'exposition « Aire sans Touche », en 2021.
Yanis KHANNOUSSI, Sans titre - Objet Monolithique #3, 2021, peinture et vernis sur résine, 162 x 122 x 40 cm © Yanis Khannoussi
Je m’intéresse au geste dans l’acte de peindre, à sa matérialisation ou sa dématérialisation, ainsi qu’à la couleur et ses variations comme sujet en soi. Cet intérêt porté en l’effacement du geste, ainsi qu’en toute trace de la main qui fait, réside dans la possibilité d’ôter tout évènement renvoyant à la fabrication de l’objet, de sorte que peut être observé une surface sans densité ni matière, permettant de désancrer la pièce du réel. Ce qui renvoie à une forme de métaphysique au sens d’un dépassement d’un état de la matière.
Par ailleurs, venant de la peinture à l’huile sur toile, j’ai très tôt souhaité ouvrir le champ d’action des possibles de la peinture en commençant à fabriquer mes propres supports afin de m'octroyer la possibilité d'éloigner la peinture du mur, de la faire advenir dans l’espace, et plus encore, de tenter de donner forme à la couleur en lui donnant volume. Que le support soit au service de la couleur pour qu’il devienne finalement sujet à son tour.
Pour l'œuvre présentée, j’ai souhaité matérialiser des gestes au travers d’une application dématérialisée, rendu possible au moyen d’un pistolet pneumatique, car l’usage du matériau industriel et sa pulvérisation sur le support permet au geste de la main de s’émanciper de son poids pour finalement pleinement s’incarner dans la couleur.
Instagram : @yanis_khannoussi
Louis MEYER
Né en 1994.
Diplômé des Beaux-Arts de Paris, DNSAP, atelier Dominique Figarella, en 2020.
Louis MEYER, Sans titre (cubiste), 2019, huile et acrylique sur toile, huile sur polystyrène extrudé, 155 x 121 x 30 cm © Louis Meyer
Les formes que je propose fonctionnent comme des vecteurs de monstration. C’est-à-dire qu’un élément est là pour en présenter un autre : le tableau montre la sculpture posée dessus, la sculpture montre son socle, le socle montre le tableau. Chaque pièce mobilise une situation de réciprocité dans l’acte de montrer, sans hiérarchie entre les différents composants de l’œuvre. Ce qui conditionne la relation des parties entre elles, c’est leur mode de production. C’est ce rapport dans la façon dont chaque élément a été constitué, soit peint à part, ou peint sur, ou peint par-dessus, sculpté puis fondu, reproduit, reformé, etc. qui articule l’ensemble du travail en exposant une situation.
J’utilise des objets issus de ma propre pratique ou de sources historiques en les exploitant comme un matériau toujours prêt à être réactualisé, multiplié, déformé. Je m’identifie à la figure du trickster, venant renverser les rôles et assumer une position de médiateur, ce qui autorise un va-et-vient de la dérision au sérieux. Cette position permet une manipulation du statut des objets employés. Je conçois l’illusion qui naît de ces opérations comme un artifice ; c’est le prestige, à la fois tour de magie et subversion de l’autorité. De là, découlent des recherches sur une forme de beauté déceptive qui émerge de l’incongruité des assemblages et challenge mes propres limites esthétiques. Un scepticisme assumé vis-à-vis du caractère singulier des œuvres d’art et de leur qualité présupposée me pousse donc à reconsidérer la manière dont nous regardons ces objets. On comprend dès lors que c’est le contrat de parole par lequel sont liés les acteurs du monde de l’art, établi rationnellement, qui confère à tel ou tel objet élu sa dimension d’œuvre. Finalement, le langage critique qui décompose cette relation à l’identification de l’art peut devenir un langage théorique et plastique quand ses limites sont éprouvées par la perception. Comme tout langage, il possède alors un régime poétique et esthétique propre dans lequel s’inscrit mon travail.
https://louishenrimeyer.com